Différence culturelle
— Ah, ma tête…
— Oh, vous êtes réveillés ‽ Allez-y doucement, c’était une belle chute. Vous n’êtes pas blessé ?
— J’ai mal au genou et à la tête. Ok, une belle bosse en haut…
— Mais pas de sang, j’ai vérifié.
— En effet. Et en bas… Ah-ïe… Ça a l’air d’être une entorse. Je vais me bricoler une attelle. Je suis resté longtemps dans les vapes ?
— Non, à peine cinq minutes. Tenez, ce barreau devrait être assez solide pour caler votre jambe.
— Merci. Il nous est arrivé quoi, au juste ?
— Nous pensions marcher sur de la terre battue, mais celle-ci recouvrait un vaste complexe souterrain, a priori abandonné. Un plafond a cédé et nous sommes passés au travers.
— Et vous n’avez rien ?
— Quelques bleus, mais je m’en remettrai. Il faut qu’on trouve comment sortir d’ici, nous ne pouvons pas atteindre notre point d’entrée.
— Aïe ! Bon, ça devrait tenir. Vous avez dit que le complexe est vas… Ah, effectivement, la vue est vertigineuse. Vous avez vu un moyen de quitter cette passerelle ?
— Trois portes à cet étage. La noire est pour ainsi dire inaccessible, la passerelle est branlante de ce côté et ne supportera certainement pas mon poids.
— Ni le mien lorsque je vous demanderai de m’aider…
— Restent donc une porte qui a dû être rouge vif et l’autre cramoisie. C’est amusant, le métal et le cuir semblent avoir été à l’honneur lorsque ce bâtiment a été construit. L’architecture est entre la révolution industrielle européenne et l’univers fantastique steampunk, avec des touches rappelant les bases militaires russes de la Guerre Froide…
— Par pitié, arrêtons les cours d’architecture…
— Désolé de la digression…
— … et cherchons comment sortir d’ici. Ouvrez la porte brune !
— C’est incroyable comme vous retombez dans vos habitudes à la moindre contrariété ! Je vous rends service en tant que congénère, je ne suis pas militaire. Regardons ça… D’ailleurs, pourquoi cette porte plutôt que l’autre ?
— Bah, ça me semble évident. L’autre est rouge, et rouge égale danger.
— Comment ça, rouge égale danger ? Mais nous n’en savons rien ! Nous ne connaissons rien de la culture des habitants de cette planète !
— Nous savons qu’ils font humanoïdes et que leur sang est rouge ! Si on verse le sang, c’est mauvais signe. Donc le rouge est mauvais signe.
— Vous n’avez donc encore rien appris de moi ‽
— À croire que non, au vu de votre réaction.
— Le rouge, c’est bien le sang, oui. Mais certaines cultures le vénèrent comme étant le fluide de vie ! Et la porte couleur sang coagulé me semblerait plus dangereuse, de ce point de vue.
— Ah. Effectivement, ce point de vue se défend…
— Chaque culture a ses propres références et ses propres interprétations, tout comme deux individus ne voient pas la même chose à travers les mêmes filtres, en raison de leurs expériences différentes ! On l’oublie trop souvent et on ne voit les choses que comme on a l’habitude de les voir. Tiens, par exemple, savez-vous pourquoi, lors de la mondialisation, certains hypermarchés occidentaux ont failli rater leur installation en Chine ?
— Parce qu’ils étaient de la mauvaise couleur ?
— Cela vous fait rire, mais c’est exact ! Notre joli blanc symbole de pureté était en Chine la couleur du deuil. La clientèle n’est venue qu’après le passage de décorateurs locaux qui ont installé des décorations rouges.
— Ah. Et c’était quoi, le rouge, pour les Chinois ?
— C’était une couleur de fête. Elle se rapportait au soleil. Et concernant notre troisième porte, le noir pouvait aussi bien symboliser la force que le désastre.
— OK. Donc ça veut dire que, selon vous, on devrait laisser tomber cette porte et se concentrer sur l’autre ?
— … Non, pas nécessairement. Il faudra bien en choisir une. C’est simplement que la couleur est un critère très subjectif. Nous avons intérêt à ne pas en tenir compte et à redoubler de prudence en l’ouvrant.
Cette histoire a été écrite dans le cadre d'un défi.
- Thème : une culture différente.
- Écrire un dialogue uniquement, sans incise (Règle personnelle :).