La création logicielle pour un numérique responsable
- L'empreinte du monde numérique
- La création logicielle pour un numérique responsable
- La donnée est le nouveau pétrole
- Le futur est entre nos mains
La semaine dernière, j’ai écrit au sujet de l’empreinte environnementale du numérique. On peut penser que cela concerne essentiellement le matériel — et plusieurs sociétés ou associations combattent pour une électronique plus modulaire, réparable et, plus généralement, durable.
Vous avez envie de contribuer à ce mouvement, mais vous ne voyez pas comment, car vous travaillez exclusivement sur le côté logiciel et n’avez pas votre mot à dire sur le matériel ? Ce billet vous donnera quelques pistes sur de possibles façons de tenir compte de ces considérations lorsque vous concevrez votre application.
Initiatives pour le matériel #
Je n’irai pas en profondeur sur ce sujet, puisque ce billet doit se concentrer sur le logiciel. Si vous n’en avez jamais entendu parler, je vous invite à regarder les initiatives d’iFixit, Fairphone et Phonebloks, pour ne citer que ces trois-là.
J’en détache trois grandes idées :
- Réparer est bien meilleur pour la planète que remplacer.
- Remplacer un composant/module d’un appareil est meilleur que remplacer l’appareil dans son ensemble.
- Sélectionner des sources éthiques/responsables pour le coltan est une tâche ardue, mais Fairphone y est parvenu.
Pour résumer cette philosophie, l’idée qui sous-tend cette approche est de produire moins d’équipement, depuis des ressources éthiques, et de conserver ces équipements plus longtemps.
Quelques causes logicielles #
Oui, je parle de matériel à un lectorat dont je suppose que la majorité travaille dans la création logicielle. Comme je l’ai expliqué la semaine dernière, le logiciel et le matériel sont liés. Votre code aura besoin d’appareils sur lesquels être exécuté.
Et selon la façon dont votre code a été conçu, il pourrait participer au renouvellement accéléré des parcs numériques. Ci-dessous, je vous présente les deux causes logicielles les plus courantes.
Les obésiciels #
En 1969, la mission Apollo 11 a aluni. À bord, l’ordinateur de guidage (l’Apollo Guidance Computer, ou AGC) embarquait l’équivalent de 72 ko de ROM (read-only memory). De nos jours, un courriel pèse en moyenne 75 ko. Graham Kendall estime qu’une TI-84 est près de 350 fois plus rapide que l’AGC, et que le dernier iPhone a plus de 100 000 fois la puissance de calcul de cet ordinateur. Et on se plaint de ne pas avoir d’espace pour nos applications et nos photos sur nos smartphones de 64 Go.
Retournons quelques années dans le passé, dans une banque. La plupart des programmes sont écrits en Cobol et s’exécutent sur un serveur z/OS. IBM vous facture pour le fait de faire tourner ces machines. Plus elles tournent, plus vous payez, donc vous avez tout intérêt à écrire des jobs efficaces. Par ailleurs, puisque vous travaillez dans une banque, des batches sont exécutés chaque nuit pour gérer toutes les tâches comptables hors des heures de travail. Vous savez qu’un job Cobol se termine toujours, mais vous devez être efficace : tout doit être terminé lorsque la journée commence, et votre programme n’est qu’un petit engrenage dans une machine bien, bien plus grande.
Avançons de quelques années. De nouveaux langages sont apparus. De nouveaux systèmes d’exploitation également : Unix, et bientôt Linux. « Les ressources ne sont pas chères », et leur prix continue de baisser. La population qui tape sur les claviers est à l’aise, moins menacée par les contraintes d’infrastructure et les spécifications non fonctionnelles. Nous n’avons qu’à faire le job. Si la machine n’est pas assez puissante, on demandera à ce qu’elle soit améliorée. Un de mes mentors a déjà déclaré à l’exploitation un magnifique : « Non mais attends, je vais t’acheter les barrettes à l’hypermarché et tu les installes ! »
Il arrive que cette approche soit justifiée, et que nous ayons besoin de ces ressources. Malheureusement, trop souvent, nous ne nous posons même pas la question de savoir si nous pourrions faire mieux. C’est à ce moment que nous arrivons à l’obésiciel.

Une anecdote estudiantine : une amie de l’époque avait un ordinateur portable en parfait état, mais il ne pouvait pas exécuter Firefox et Windows Live Messenger en même temps, parce que les deux logiciels étaient particulièrement friands de mémoire. En tant qu’étudiants en école d’ingénieurs, rechercher des informations et échanger avec nos camarades étaient les tâches les plus basiques que nous pouvions demander à nos ordinateurs…
Un autre exemple : il y a quelques années, j’ai été contraint d’acheter à ma mère un nouvel ordinateur parce que les 20 Go du disque étaient occupés par les mises à jour cumulatives de Windows XP que je n’ai pas pu nettoyer en dépit de toute ma bonne volonté.
Voilà le piège de l’obésiciel : les utilisateurs sont contraints de remplacer leurs appareils, bien que ceux-ci fonctionnent parfaitement, seulement parce que le logiciel n’a pas été conçu pour être économe en ressources. Et je ne parle bien entendu pas des cas où l’éditeur ralentit volontairement ses anciens appareils par une mise à jour du système.
Le support disparu #
En 2015, Amazon a présenté son Dash Button. Il permettait d’exécuter d’une simple touche une commande régulière — et il a été reprogrammé pour bien d’autres usages. En 2019 toutefois, Amazon a abandonné la série car les abonnements permettaient un réapprovisionnement automatique et les commandes vocales d’Alexa lui succèderaient.
Prenons un autre exemple, un qui parlera davantage au commun des mortels : les smartphones. J’ai acheté le mien, un Nexus 5X, en 2016, juste après la fin de la série. La dernière mise à jour officielle que j’ai reçue était Android 8.1.0 December 2018. Un an s’est déjà écoulé sans mise à jour de sécurité, pour un téléphone qui n’a que trois ans. Il fonctionne parfaitement bien ! Il pourrait juste être plus sécurisé. Et on parle d’un téléphone « officiel » Google, un Nexus, avec un Android « nature » !
Que se passe-t-il pour un téléphone avec une surcouche du fabricant, ce qui implique que ce dernier doit compiler et distribuer lui-même une version modifiée d’Android ? Regardons le Samsung Galaxy S7 : il a été commercialisé un an après le Nexus 5X — soit six mois avant que celui-ci soit retiré du marché. Pourtant, le S7 n’a jamais reçu Android 8.1.0 par les canaux officiels ; il est resté coincé à Android 8.0. Quand on y regarde de plus près, la dernière mise à jour que Samsung a poussée à la famille S7 date de juillet 2018, six mois avant la dernière mise à jour à la famille de mon téléphone, d’un an son aînée. Si les utilisateurs souhaitent bénéficier des fonctionnalités introduites dans les dernières versions du système d’exploitation, ils n’ont d’autre choix que d’acheter un nouvel appareil.
Soyons clairs : la fin de support est un fléau pour le monde numérique ! Bien entendu, il est économiquement inenvisageable de maintenir toutes les versions d’un système d’exploitation, mais changer de smartphone tous les deux ans n’est pas quelque chose que tout le monde peut se permettre. En fait, la plupart des gens ne peuvent pas se le permettre.
Et les êtres humains sont un pilier que nous oublions souvent de prendre en compte, bien qu’il soit fondamental.
Introduction au numérique responsable #
De préoccupations au développement durable #
Être responsable requiert d’être conscient de ses impacts négatifs et d’en assurer la responsabilité. Si vous suivez ce précepte, vous voudrez également réduire ces impacts.
Jusqu’ici, nous avons vu que le numérique a des conséquences négatives sur l’environnement, sur la société, et on commence à voir percoler des intérêts et moteurs économiques.
Quand j’étais en école, on nous a répété à l’envi qu’il y avait quelque chose à l’intersection de ces trois piliers. J’ai vu ce diagramme de Venn si souvent que j’y pense dès lors que l’on mentionne au moins deux de ses secteurs : Planet, People et Prosperity sont les 3 P du développement durable.1
Le diagramme de Venn qui définissait le développement durable quand j'étais en école d'ingénieur
Donc, fondamentalement, pour minimiser nos impacts sur l’environnement, nous devons faire du développement durable — oui, le jeu de mots est voulu.
Ce n’est pas un concept nouveau. Le programme Energy Star fut lancé en 1992 et marque, d’après Wikipédia, le début du green IT ou éco-TIC.
L’informatique durable, l’informatique verte, le numérique responsable, ou encore le green IT (appellation officielle en français : éco-TIC) est un ensemble de techniques visant à réduire l’empreinte sociale, économique et environnementale du numérique. Informatique durable, Wikipédia
On retrouve bien dans cette définition l’ensemble des enjeux auxquels nous nous sommes intéressés jusqu’alors. J’ai tendance à préférer la dénomination « numérique responsable », les autres laissant trop souvent penser que l’on se concentre uniquement sur l’aspect environnemental. L’Institut du Numérique Responsable est apparu en France il y a quelques mois pour promouvoir ces thématiques et fédérer des entreprises s’y intéressant.
Tout cela est bel et bon. Nous avons donc un nom, mais comment, pourriez-vous demander, faisons-nous de ce joli mot digne du marketing une réalité qui ne soit pas juste des balivernes pour le green washing ? Là encore, je n’inventerai rien et me contenterai de partager avec vous un concept qui existe depuis des années.
L’écoconception de services numériques #
L’écoconception est une notion apparue en 1996. Voyons sa définition selon notre grand ami Wikipédia :
L’écoconception est un terme désignant la volonté de concevoir des produits respectant les principes du développement durable et de l’environnement, en — selon l’Ademe — recourant « aussi peu que possible aux ressources non renouvelables en leur préférant l’utilisation de ressources renouvelables, exploitées en respectant leur taux de renouvellement et associées à une valorisation des déchets qui favorise le réemploi, la réparation et le recyclage », dans un contexte qui évoluerait alors vers une économie circulaire. Écoconception, Wikipédia
Elle a en premier lieu essentiellement été appliquée à des produits physiques, mais cette approche se décline aujourd’hui également pour les services numériques.
Il y aurait assez à dire sur l’écoconception (numérique) pour écrire un billet entier qui lui soit dédié, mais je vais rester simple aujourd’hui et laisser ça mûrir chez vous. Quand on revient aux essentiels, il reste deux idées :
- Sachez ce dont utilisateurs ont besoin (ou pas) et préservez la sobriété de votre solution.
- Ayez conscience des conséquences que vos choix auront à l’avenir, et pesez le pour et le contre.
Je vous propose quelques exemples concrets de solutions s’inscrivant dans ce cadre, afin de vous donner une meilleure idée de ce dont on parle.
Exemples de solutions techniques #
Nettoyez votre code #
Visez l’efficience #
Comme narré plus haut, nous nous souciions jadis davantage d’écrire un code efficient. C’est pourtant le premier levier que nous avons — pas le seul ni le plus puissant — pour nous assurer que notre code est économe en énergie : plus on utilise de calculs, de mémoire ou de bande passante, plus on consomme d’énergie. C’est d’ailleurs sur ce principe que fonctionnent la plupart des logiciels qui mesu-devinent la consommation de votre application : mesurer combien de RAM/processeur/réseau un programme utilise et en déduire une valeur énergétique.
Un exemple Java old school mais concret :
1for (int i = 0; i < collection.size(); i++) {
2 // Faire quelque chose avec collection et i
3}
Pour l’exemple, oublions la syntaxe foreach
.
Deux choses pourraient être améliorées sur cette ligne :
++i
est plus efficace quei++
car il ne requiert pas l’utilisation d’une variable temporaire.- Si vous savez que la taille de la collection ne changera pas, pourquoi demander à la JVM de la calculer à chaque itération ? Il serait plus efficace de la mémoriser une fois pour toutes.
Juste en appliquant ces petites optimisations, on obtient :
1final int size = collection.size();
2for (int i = 0; i < size; ++i) {
3 // Faire quelque chose avec collection et i
4}
Ça semble être du pinaillage ? Possible, mais Greenspector estime qu’on a un gain de 5 % en consommation électrique pour cette simple modification.
Pour aborder un langage au sujet duquel je n’écrirai pas souvent, Greenspector a également indiqué que l’utilisation du foreach
de PHP plutôt que son for
permet un gain de 30 % d’énergie avec des performances identiques2.
Outils et bonnes pratiques #
Quelles sont les bonnes pratiques pour optimiser votre code ? Pour commencer, vous pouvez vous référer à toutes les bonnes pratiques que vous devriez déjà connaitre. Elles visent souvent à minimiser une utilisation suboptimale de vos ressources.
Pour le développement web, il existe une jolie checklist de 115 recommandations ici — bien que je sois encore déçu de n’y voir figurer aucun conseil concernant les single-page applications. Des outils comme ecometer.org et GTmetrix peuvent vous aider à voir quelles bonnes pratiques vous avez mises en œuvre et lesquelles peuvent être intéressantes. Ecoindex donne également à votre page une note environnementale, à titre indicatif. Ces outils sont également disponibles comme plug-in dans Firefox et Chrome.

L’évaluation du billet de la semaine dernière par GTmetrix
Et oui, les gains sont concrets, même pour l’utilisateur final. En 2015, Logomotion a développé deux sites identiques. Même interface, même contenu, approches différentes :
- Le premier a été réalisé en utilisant WordPress 4.4.2 sans optimisation particulière.
- Le second a été fait dans l’état de l’art, avec un générateur statique — comme Jekyll ou Hugo, par exemple.
Soixante-dix bonnes pratiques ont été respectées dans le second cas contre 39 dans le premier. Le DOM contenait 25 % moins d’éléments et nécessitait 39 % moins de requêtes. Le temps de chargement moyen a diminué de moitié et le poids moyen d’une page a été divisé par plus de deux.
Mélangez les technologies à votre avantage #
Ce point est souvent difficile à accepter pour un développeur. Nous avons tendance à devenir des prosélytistes de ce que nous utilisons et n’aimons pas penser à utiliser autre chose. Encore moins le mélanger avec autre chose. Quel blasphème !
Et pourtant, c’est parfois une excellente voie pour des gains conséquents.
Pour exemple, connaissez-vous la méthode System.arrayCopy
en Java ?
Elle porte bien son nom et fait précisément ce qu’il indique.
En Java, ce genre d’action nécessite de copier les éléments un par un, en n opérations individuelles.
C’est pourquoi cette méthode existe et c’est pourquoi elle est native, car il suffit d’un unique memcpy
/ memmove
en C++.
Un exemple plus imposant d’une petite société. Il était une fois un petit réseau social que Mark codait pour son université. Quelques années plus tard, ce réseau était devenu un phénomène mondial, nommé Facebook.
Quand Mark avait commencé, PHP était une solution idéale, mais son application grossissait, ainsi que le nombre d’utilisateurs et la masse de données. Facebook commençait à être limité par le langage, mais il était inenvisageable de tout réécrire.
Une nuit, lors d’un hackathon, un employé a commencé à écrire un programme pour transformer le PHP en C++. Ce fut l’aube de HipHop for PHP, un transpileur de PHP vers C++ : les développeurs écrivaient du PHP mais c’était finalement du C++ qui était compilé pour faire tourner Facebook. Par comparaison avec Zend, qui était le cadriciel utilisé jusqu’alors, la génération des pages pouvait aller jusqu’à six fois plus vite, en utilisant moins de ressources !
Savoir, c’est pouvoir #
Pour faire un choix éclairé, vous devez en connaitre les tenants et aboutissants. Ce billet est déjà long et j’ai encore des choses à vous dire, donc je vais faire vite.
Pour écoconcevoir votre solution, vous devez être conscients que les langages n’ont pas tous les mêmes performances en termes de rapidité, mémoire et énergie. Vous devez comprendre que Docker impacte la consommation énergétique et les performances, et c’est un sacrifice que vous acceptez pour une maintenance plus aisée. Vous devez savoir que le thème sombre n’est pas qu’une lubie de développeur, c’est aussi une économie d’énergie sur des smartphones OLED3.
Et il est important de savoir, pas deviner. Cela signifie que vous aurez besoin de mesurer. Utilisez JMeter, Gatling, benchmark.js, YSlow… Tout indicateur de performance est généralement utile, même si incomplet. Intégrez ces mesures dans votre intégration continue si vous le pouvez, afin de détecter des goulots d’étranglement ou des régressions.
Adaptez-vous au contexte #
J’ai un défaut — enfin, plus d’un, mais concentrons-nous — je suis perfectionniste. J’adore faire les choses dans l’état de l’art, de rendre la solution générique et réutilisable…
Vous savez quoi ? Si votre but est d’allumer une ampoule, vous n’avez pas besoin de construire une centrale nucléaire ; contentez-vous d’une pile. Adaptez-vous à votre contexte et restez sobre. Tout ce que vous ajoutez est une surcharge. S’il n’est pas nécessaire, c’est juste une surcharge inutile.
Au-delà de la technique #
Il n’est question que de l’utilisateur #
J’ai dit plus tôt que le développement durable s’appuie sur 3 P : la planète, les personnes et la prospérité. Il est temps de s’en souvenir et de remettre les personnes au centre : ce que nous faisons est pour elles. Une approche fondamentale de l’écoconception est de concevoir l’expérience utilisateur.
Si vous concevez votre application du point de vue de vos utilisateurs — en utilisant des personas par exemple — plutôt que de simplement lire / écrire des spécifications fonctionnelles, vous penserez différemment et gagnerez une nouvelle perspective.
En premier lieu, vous pourrez séparer l’important du nice to have. Trop souvent, les personnes responsables des specs pensent : « C’est important (pour moi). » Seulement, le « pour moi » est muet. C’est un biais, et les biais sont des choix qui ne sont pas forcément les attentes des utilisateurs. Peut-être que c’était important mais qu’aucun utilisateur ne s’en servira jamais. Dans ce cas, ce n’est que du gras.
Si on pense à Microsoft Word, je pense être plus avancé que la moyenne des utilisateurs. Je pense aussi que je ne connais pas la moitié de ses fonctionnalités. Qui utilise les autres ? Sont-ce des cas ultra-spécifiques ? Ont-elles leur place dans un traitement de texte ?
Cette nouvelle perspective vous aidera également à mieux vous projeter. Quand les specs disent « cette application devra respecter toutes les recommandations d’accessibilité », on ne voit qu’une liste de règles et on applique le WCAG sans se poser de questions. Revenons à nos personas. Maria est aveugle, mais elle a besoin de gérer son argent comme tout le monde. Comment le ferais-je à sa place ? Puis-je utiliser un lecteur d’écran ? L’application est-elle compatible ? Changer la façon de présenter le problème change la façon d’aborder la solution, et l’engouement autour de la recherche de cette solution. Dans la première approche, j’applique des règles ; dans la seconde, c’est un jeu ou un défi. Et les créateurices de logiciel adorent les défis.
Rester maigre #
Au-delà de l’UX, d’autres pratiques peuvent éviter d’ajouter du gras à votre application.
Concevant la version mobile d’abord. La société de chemins de fer allemande, Deutsche Bahn, propose deux versions de son outil de recherche d’horaire. Le premier, sur smartphone, pèse 3 ko, contre plus de 2000 pour le second sur ordinateur, le tout pour un résultat identique.
Souvenez-vous aussi que tous vos utilisateurs n’auront pas la dernière machine de gamer. Les machines puissantes sont utiles pour développer, mais elles sont généralement chères pour le quidam. Lorsque Google préparait Android KitKat pour son futur smartphone, le Nexus 5, les équipes de développement ont dû le tester sur le précédent téléphone, le Nexus 4.
Les équipements régionaux sont aussi à considérer. En 2015, Facebook a lancé ses 2G Tuesdays. L’idée était de simuler un réseau lent afin que les développeurs puissent expérimenter leur solution telle qu’elle était ressentie dans les pays émergents — et ainsi l’adapter à ces marchés et utilisateurs.
Dernier conseil : restez sobres. Il y a quelques années, Bing s’est rendu compte que l’immense majorité de ses utilisateurs ne passaient jamais la première page de résultats. Pourtant, le moteur chargeait bien plus de résultats, au prix de ressources non négligeables. Les équipes ont donc réduit le nombre de résultats à 20. Dans les cas où les utilisateurs demandaient à voir plus, on allait en chercher davantage. Dans de rares cas, cela peut aboutir à une infime dégradation de performances, mais la facture électrique des serveurs a baissé de 80 %.4
Avant de nous séparer #
Ce billet a été écrit pour vous donner un aperçu de comment faire de l’écoconception de solutions numériques. Beaucoup de lecture existe sur le sujet, qui est vaste et en croissance, et dont nous avons à peine effleuré la surface. Je pense que deux idées doivent être retenues : sachez les conséquences de vos choix et évitez le gras. Quand on y pense, ce sont de bonnes recommandations générales pour la programmation.
Car c’est ainsi que je le perçois : l’écoconception n’est qu’un autre niveau de qualité de code, nous forçant à nous assurer que notre code n’est pas seulement maintenable et performant, mais aussi durable.
Le premier but de cet objectif, aussi indirect qu’il soit, est de produire moins d’équipement et de les conserver plus longtemps. Le second but est de réduire les besoins énergétiques des appareils numériques. Ce dernier point, à l’échelle des centres informatiques, ne pourra être achevé qu’en réduisant la quantité de données stockées — mais ce sera le billet de la semaine prochaine.
Un dernier conseil et son anecdote : votre application sera utilisée par des humains. Les humains font des erreurs. Une équipe avait livré un CMS Drupal optimisé. Le module Boost générait des versions statiques de chaque page — plus besoin de les générer à la volée, les pages étaient prêtes à servir. Quelques semaines plus tard, le client se plaint de la lenteur du site. L’équipe revient, recherche, et constate des images très haute résolution au sein des pages. Le CMS n’avait pas été pensé pour être utilisé ainsi. L’éducation fera toujours partie de notre métier.
En faisant des recherches pour ce billet, j’ai découvert que, en 2015, les Nations Unies ont proposé deux autres piliers : Paix et Partenariat. Bien que nous n’ayons que peu d’emprise sur le premier — bien que cela soit discutable, notamment vis-à-vis du coltan —, travailler main dans la main avec nos pairs peut nous aider dans le cadre de l’écoconception. ↩︎
Greenspector m’a partagé ces informations en 2016. Mon plus gros problème avec est que les versions des langages ne sont jamais précisées. Nous savons que les langages évoluent et améliorent leurs points faibles, et PHP et Java ont grandement travaillé dessus ces dernières années. ↩︎
Ceci n’est cependant vrai que pour les écrans OLED, en raison de la différence de technologie. Blackle est un mythe. Cela ferait peut-être d’ailleurs un bon sujet d’écriture. ↩︎
Je suis terriblement frustré de ne pas avoir trouvé de source pour cette info. Je fais confiance aux personnes qui me l’ont communiquée, mais j’aurais aimé avoir davantage de détails. ↩︎
Sources et références
iFixit (EN)
Fairphone (EN)
Phonebloks (EN)
Apollo Guidance Computer read-only rope memory (EN), par Computer History Museum
Why Are Email Files so Large? (EN), par Heinz Tschabitscher, Lifewire, 2020
Would your mobile phone be powerful enough to get you to the moon? (EN), par Graham Kendall, University of Nottingham, 02/2019
Apple: Yes, we’re slowing down older iPhones (EN), par Ivana Kottasová, CNN Business, 12/2017
Android 8.1 Oreo for Galaxy S7 and S7 Edge : Release and Features (EN), par AJ, Android Verge, 09/2018
Android 8.0 Oreo update tracker (EN), par Mitja Rutnik, Android Authority
UN Sustainable Development Goals – Finalised Text & Diagrams (EN), par Wayne Visser, 08/2015
Informatique durable, par Wikipédia
Écoconception, par Wikipédia
Référentiel d’écoconception web, par Collectif Conception Numérique Responsable
Ecometer (EN)
GTmetrix (EN)
éco-conception numérique : la parole aux experts > Logomotion, par Bertrand Laboureau, PDG de Logomotion, 06/2016
HipHop for PHP: Move Fast (EN), par Haiping Zhao, Facebook Engineering
HipHop for PHP, par Wikipédia
Energy Efficiency across Programming Languages — How Do Energy, Time, and Memory Relate? (EN), par Rui Pereira, Marco Couto, Francisco Ribeiro, Rui Rua, Jácome Cunha, João Paulo Fernandes, João Saraiva, 10/2017
How does Docker affect energy consumption? Evaluating workloads in and out of Docker containers (EN), par Eddie Antonio Santos, Carson McLean, Christopher Solinas, Abram Hindle (Cornell University), 05/2017
Designing a Dark Theme for OLED iPhones (EN), par Vidit Bhargava, 05/2019
Une appli éco-conçue pour favoriser les circuits-courts, par Joël Mossand, 01/2020
Putting Personas to Work in UX Design: What They Are and Why They’re Important (EN), par Nick Babich, Adobe, 09/2017
Building for emerging markets: The story behind 2G Tuesdays (EN), par Chris Marra, Facebook Engineering, 10/2015
Software development methodology in a Green IT environmen (EN), par Hayri Acar, Université de Lyon, 2017
Note de synthèse numérique : version abrégée, par Pôle Éco-conception, 04/2019